Plan de l’article
Objectifs de cette expérience
Matériel nécessaire
Déroulement de l'expérience
1. Constitution des équipes et Lecture des instructions
2. Le jeu
3. Variantes possibles
Résultats, interprétation et discussion
Annexes
Objectifs de cette expérience
Ceci est une expérience pédagogique sur les asymétries d’information. Elle s'inscrit dans le programme de Première ES (rentrée 2011) (Partie 3.2 "Quelles sont les principales défaillances du marché ?").
Une condition pour qu’une coordination marchande soit efficace est que la qualité du produit vendu soit parfaitement observable par l’acheteur avant la transaction.
Dans le cas contraire, la tentation est forte, pour les vendeurs, d’offrir un produit de qualité basse au prix d’un produit de qualité haute, prix qui est nécessairement élevé puisque le produit de qualité haute est coûteux à produire. Si on suppose que les acheteurs sont conscients de ce phénomène, peu d’entre eux seront prêts à prendre le risque de payer le prix (élevé) d’un produit de qualité haute et d’obtenir, en fait, un produit de qualité basse. Dès lors, les vendeurs qui ne cèdent pas à la tentation et qui offrent des produits de qualité haute ne trouvent pas d’acheteurs et se retirent du marché. Les seules transactions qui finissent par avoir lieu portent donc sur des produits de qualité basse alors que certains acheteurs auraient souhaités obtenir des produits de qualité haute et que certains vendeurs auraient retiré un profit de la vente de tels produits. La coordination n’est pas efficace : le marché n’a pas permis de saisir toutes les opportunités d’amélioration du bien-être collectif.
L’expérience pédagogique proposée ici a pour objectif d’illustrer ce défaut de coordination issu d’une asymétrie d'information sur la qualité d’un bien.
Certains élèves sont vendeurs. Les autres sont acheteurs. Le jeu se déroule sur plusieurs périodes. A chaque période, les vendeurs choisissent le niveau de qualité des biens qu’ils produisent et le prix de vente qu’ils affichent. Les vendeurs connaissent les coûts de production pour chaque niveau de qualité et pour chaque unité du bien produit. Les coûts de production des vendeurs sont également connus des acheteurs. Les acheteurs ne peuvent acheter au maximum qu’une unité de bien. Ils connaissent la valeur pour eux de chaque type de bien en fonction de sa qualité : un bien de qualité haute a une valeur élevée pour l’acheteur, un bien de qualité basse à une valeur faible. Les valeurs des acheteurs sont également connues des vendeurs. Au cours des premières périodes, l'information est parfaite : les acheteurs connaissent le niveau de qualité des biens mis en vente par les vendeurs. L’asymétrie d’information est introduite dans les périodes suivantes ; dans ce cas, le vendeur est seul à connaître la qualité du bien qu’il met en vente et les acheteurs découvrent après la transaction qu’elle est la qualité du bien acheté.
Les valeurs pour les acheteurs et les coûts de production pour les vendeurs sont fixés de telle manière que le gain collectif maximal tiré des relations marchandes est obtenu lorsque les échanges ne portent pas sur les biens de qualité basse. Si, au cours des différentes périodes, les vendeurs ont tendance à offrir des biens de qualité basse et si les acheteurs ont tendance à ne pas acheter les biens proposés à des prix élevés, alors la coordination marchande est inefficace.
Cette expérience permet d’une part d’amener les élèves simplement à découvrir l’une des conditions de la concurrence parfaite et de montrer que la transparence est une condition d’efficacité des marchés. D’autre part, sans avoir à exiger un travail d’abstraction que certains élèves ont du mal à fournir, cette expérience permet de donner aux élèves un premier contact avec les problèmes d’asymétrie d’information. On introduit donc aisément un cadre d’analyse avec lequel les élèves devront être à l’aise plus tard, par exemple en Terminale lorsqu’ils auront à aborder les asymétries d’information sur le marché du travail. Enfin, la présence très fréquente d’asymétries d’information dans les relations concrètes entre offreurs et demandeurs apparaissant comme une limite du marché, cette expérience constitue aussi le point de départ d’une réflexion sur les modes de coordination complémentaires voire alternatifs au marché. Elle pourra donc, notamment, contribuer à étudier les règles dont une économie de marché ne peut se passer pour être efficace.
Matériel nécessaire
Les instructions et la feuille de résultats données dans l’Annexe 1. Il faut reproduire les instructions et les feuilles de résultats en autant d'exemplaires qu'il y a d'élèves.
Une boite avec 6 morceaux de papier numérotés de 1 à 6.
Déroulement de l'expérience
1. Constitution des équipes et Lecture des instructions
L’enseignant sépare les élèves en 2 groupes : les élèves à gauche de l’enseignant seront les vendeurs, et les élèves à droite de l’enseignant seront les acheteurs. Puis, il constitue 5 équipes de vendeurs et 6 équipes d’acheteurs (il n’est pas nécessaire que les équipes soient de tailles strictement égales).
Il met 6 morceaux de papier numérotés de 1 à 6 dans une boite (ces papiers serviront à déterminer l’ordre d’intervention des acheteurs sur le marché).
Distribution des instructions des feuilles de résultat à chaque élève ; les feuilles de résultats pour les vendeurs doivent être numérotées de 1 à 5 (un numéro par équipe), celles des acheteurs de 1 à 6.
L'enseignant lit les instructions du jeu du marché avec asymétries d’information. Il répond ensuite aux questions et il s'assure que chaque élève a compris les règles du jeu.
2. Le jeu
L'enseignant demande aux équipes de vendeurs de choisir le niveau de qualité (1, 2 ou 3) et le prix qu’ils souhaitent proposer. Il laisse 2 minutes aux vendeurs pour prendre leurs décisions et noter le niveau de qualité et le prix choisis sur leurs feuilles de résultats (lignes 1 et 2).
L’enseignant collecte les feuilles de résultats des vendeurs. Il inscrit au tableau les prix de vente et les niveaux de qualité proposés par les vendeurs (voir le modèle en Annexe 2).
Il tire un des six morceaux de papier de la boite et révèle l’équipe d’acheteurs qui va être la première à prendre une décision. Il demande aux membres de l’équipe désignée de déterminer s’ils souhaitent acheter un des biens et, si oui, de préciser le numéro de l’équipe de vendeurs dont ils acceptent la proposition. 1 minute est laissée aux acheteurs.
Si l’équipe d’acheteurs n’accepte aucune des propositions faites par les vendeurs, l’enseignant tire au sort l’équipe d’acheteurs suivante. Sinon, il confirme la transaction, l’enregistre au tableau et demande aux vendeurs qui viennent de conclure cette transaction s’ils souhaitent mettre en vente leur deuxième unité de bien aux mêmes conditions. Selon la réponse des vendeurs, il ajoute ou n’ajoute pas une nouvelle proposition de cette équipe de vendeurs au tableau. C’est alors à l’équipe d’acheteurs suivante de prendre sa décision selon les mêmes modalités. Ainsi de suite jusqu’à la 6e équipe d’acheteurs.
Lorsque les décisions des 6 équipes d’acheteurs ont été enregistrées, la première période s’achève. Les feuilles de résultats des vendeurs leur sont restituées. Acheteurs et vendeurs calculent leurs gains.
Les deux périodes suivantes se déroulent de la même manière.
A partir de la 4e période, on introduit le changement suivant. Après avoir récolté les feuilles de résultats des vendeurs, l’enseignant n’inscrit au tableau que les prix de vente proposés. Il n’informe donc pas, dans un premier temps, les acheteurs sur le niveau de qualité des biens mis en vente. Il mentionnera cette information au tableau uniquement lorsque toutes les décisions des 6 équipes d’acheteurs auront été enregistrées.
3. Variantes possibles
Il est possible d’introduire quelques périodes supplémentaires au cours desquelles les vendeurs devront décider de la qualité du bien produit, du prix de vente proposé (comme dans les périodes précédentes) et, en outre, du niveau de qualité qu’ils déclarent produire. Les acheteurs auront comme information au moment de leur prise de décision le prix de vente proposé et le niveau de qualité déclaré par les vendeurs. Ils ne découvriront qu’après avoir pris leur décision, la qualité réelle (éventuellement différente de la qualité déclarée) du bien offert.
Cette variante permet d’observer dans quelle mesure les vendeurs peuvent envoyer des signaux crédibles aux acheteurs, autrement dit, comment ils peuvent acquérir une réputation auprès des acheteurs. Un minimum de 3 périodes supplémentaires sera nécessaire pour faire apparaître de tels phénomènes.
Résultats, interprétation et discussion
Les résultats généralement observés sont les suivants (voir l’illustration dans l’Annexe 2). Lorsque l’information sur la qualité du bien est parfaite, les transactions se concentrent sur le niveau de qualité qui maximise le surplus collectif (le marché est efficace). Lorsqu’une asymétrie d’information défavorable aux acheteurs est introduite, les transactions se concentrent sur le bien dont la qualité est basse. Le surplus collectif n’est alors pas maximisé : la coordination marchande n’est pas efficace.
La discussion avec les élèves peut d’abord commencer par l’explication de la dégradation de la qualité du bien échangé lorsque l’on passe d’une situation d’information parfaite à une situation d’asymétrie d'information. Une fois que les élèves sont parvenus à exprimer l’asymétrie d’information défavorable qui caractérise les dernières périodes du jeu, il s’agira pour eux de comprendre les raisons qui poussent à une telle dégradation. L’enseignant peut par exemple partir du cas concret d’une équipe de vendeurs ayant proposé, en situation d’asymétrie d’information, de vendre un bien de qualité basse à un prix correspondant à un bien de qualité haute. Il demande à l’équipe d’expliquer leur décision, observe la réaction des acheteurs et, éventuellement, demande à ces derniers s’ils ont pris en compte une telle attitude des vendeurs quand ils ont eux-mêmes pris leur décision.
Il est par ailleurs nécessaire que les élèves comprennent pourquoi le marché est inefficace lorsque les transactions portent sur des biens de qualité basse. Une première approche peut être donnée par la comparaison des gains totaux (des vendeurs et des acheteurs) entre les périodes avec information parfaite et les périodes avec asymétrie d'information. Si les élèves savent lire des courbes d’offre et de demande et connaissent les notions de surplus (du vendeur, de l’acheteur et collectif), l’enseignant peut traiter la question de l’inefficacité du marché avec asymétrie d'information à partir de ces notions (voir l’Annexe 2).
La discussion peut ensuite se prolonger, par exemple, avec les questions suivantes.
1) Donnez des exemples concrets de biens ou de services pour lesquels l’acheteur ne découvre généralement qu’après l’achat la qualité du produit.
2) D’après vous, que ce serait-il passé dans l’expérience, si les vendeurs n’avaient pas eu le choix de la qualité du produit fabriqué, certains vendeurs ne pouvant produire que des produits de mauvaise qualité, d’autres que des produits de bonne qualité ? Les vendeurs de produits de bonne qualité auraient-ils trouvé des acheteurs ?
On pourra ici amener les élèves à remarquer que la tendance à voir les transactions se porter sur des produits de qualité basse n’est pas liée aux stratégies des vendeurs en matière de choix de la qualité du bien produit. Lorsque des vendeurs de produits de bonne qualité sont présents sur un marché avec une telle asymétrie d'information, ils tendent à être éliminés. Cette remarque permettra éventuellement d’introduire la notion de sélection adverse (ou anti-sélection).
3) Pourquoi des produits de bonne qualité trouvent-ils des acheteurs dans la réalité ?
Cette question pourra notamment déboucher sur l’importance de la confiance, de la réputation ou des règles (élaborées par les vendeurs et les acheteurs ou imposées par l’Etat) pour diminuer l’asymétrie d'information ou offrir aux acheteurs des garanties contre l’exploitation par les vendeurs de leur avantage en matière d’information.
Annexes
Annexe 2 : Illustration des résultats de l’expérience : .doc ou .pdf
6 commentaires:
Bonjour, je suis très intéressée par l'expérience que vous proposez et envisage de l'utiliser avec ma classe de 1ES mais les liens de l'annexe 2 ne sont pas actifs.
Merci d'y remédier et merci pour ces idées pédagogiques novatrices que vous nous proposez.
Bonjour,
Je dois effectivement rédiger ce document mais le temps me manque actuellement...
N'hésitez pas néanmoins à me solliciter si vous avez des difficultés dans l'élaboration de l'expérience.
Bien cordialement,
Jérôme Villion
Je suis également tres intéressée par cette expérience. Dommage qu'il n'y ait pas encore l'annexe 2.
J'ai experimenté ce travail cet après-midi avec mes 1èreES. Sauf non compréhension de ma part, il y a un souci avec les valeurs des coûts de production et les valeurs des acheteurs que vous proposez. Par exemple, pour un bien de niveau de qualité 1, les vendeurs doivent vendre à un prix minimum de 1.50€, mais dans le même temps, les acheteurs ne sont prêts à mettre que 1.50€ pour un bien de cette qualité. Ainsi, seuls les échanges à un prix de 1.50€ ne pourront avoir lieu, mais n'apporteront aucun gain, que ce soit du côté de l'offre ou de la demande... J'ai donc augmenter les valeurs acheteurs.
Sinon, autre question concernant l'exploitation du jeu pédagogique avec les élèves. Vous écrivez à un moment qu'il est possible de faire tracer aux élèves les courbes d'offre et de demande, mais je ne vois pas comment faire. Pourriez-vous m'éclairer ?
Enfin, pour montrer que le surplus collectif est inférieur lorsque l'information est imparfaire, prenez-vous bien en compte les résultats négatifs dans les "gains" des consommateurs lorsqu'il y a asymétrie d'information ?
Merci pour l'aide que vous voudrez bien m'apporter.
Cordialement
Bonjour,
Je vous remercie d'avoir signalé cette erreur dans les valeurs des acheteurs. Il faut effectivement prendre des valeurs supérieures aux coûts de production des deuxièmes unités produites par les vendeurs. J'ai modifié la feuille de résultat en conséquence.
Concernant les courbes d'offre et de demande, se construisent de la même manière que dans l'expérience de marché concurrentiel. Mais elles ont une allure peu orthodoxe (droite horizontale pour la demande et 'courbe' en escalier avec un seul saut pour l'offre). Et comme il faut construire 3 graphiques (1 par niveau de qualité), je ne suis pas sûr que le gain pédagogique (lié à la visualisation graphique du surplus) soit si évident...
Concernant le surplus, les acheteurs peuvent effectivement réaliser des pertes. Afin d'éviter toute ambigüité, j'ai remplacé 'gain' par 'résultat' dans les instructions. Merci également pour cette remarque.
Bonjour
J'ai réalisé cette expérience en modifiant les coûts de production comme ceci:
Qualité 1 (coût de la 1ère unité; de la 2è unité): (2,50 ; 3,50)
Qualité 2 (coût de la 1ère unité; de la 2è unité): (7;8)
Qualité 3 (coût de la 1ère unité; de la 2è unité): (11;12)
Cela permet que le surplus total max soit atteint avec la qualité 3. L'éjection du marché des biens de qualité 3 avec l'asymétrie d'info a donc un effet encore plus visible sur le surplus total.
Dans la phase d'analyse de résultats, je montre le graphique avec les courbes d'offre (escalier avec un saut) et de demande (horizontale) pour les 3 niveaux de qualité et je montre que le surplus est plus élevé pour la qualité 3. Les étudiants semblent apprécier la représentation graphique.
Merci pour ce blog! Je fais toutes ces expériences en DUT GEA 1ère année (cours sur le fonctionnement des marchés)
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